Le cirque de Sodome et Gomorrhe

Neuf heures du matin. Le soleil pour une fois laissait place à une fine brume grisâtre qui enrobait la ville. Dehors, beaucoup de personnes chicanaient déjà ou encore, certain accompagné de leur partenaire, d'autres - moins chanceux - de leurs enfants méchants et braillards. Un fin brouhaha s'y faisait entendre mélangeant pleure et rire. Près du clothing store, l'une des plus grandes enseignes australienne, un groupe de quatre personnes frôlant certainement la vingtaine passa en rigolant. En tête, une rousse discutait activement avec un beau brun qui semblait se ficher parfaitement de ce qu'elle pouvait bien raconter. Derrière eux, deux garçons, l'un blond et l'autre aussi brun, marchaient sans parler, mais en admirant les lieux. Après avoir dépassé une grande librairie, le groupe s'arrêta devant une porte en piteuse état. Le premier brun poussa celle-ci et pénétra dans les lieux, suivis de très près par les autres. Cet endroit à l'apparence miteuse n'était autre que le Bronze, un des lieux les plus fréquentés de la région. À l'intérieur, un mélange de tabac et d'alcool se faisaient sentir dans l'air malgré l'heure matinale. La jeune femme apparemment surexcité devança son compagnon, les menant vers un endroit plus calme au fond. En voulant attraper la main de l'homme, ladite fille bouscula un autre jeune homme installé au bar. Confuse, auprès de lui et de ses amis, elle s'excusa rapidement avant de filer au fond. L'autre roula des yeux, arborant un léger sourire, mi-amusé mi-agacé.

« Encore un Sam, s'il vous plait. »
Uriel les suivis du regard puis se retourna une fois qu'ils furent installés. Il pivota agilement sur son haut tabouret et attrapa sa cigarette qui n'allait pas tarder à se finir. Le jeune homme tira une longue latte puis l'écrasa sans ménagement dans le cendrier prévu à cet effet. Relevant ses perles grises sur Sam, la tenancière du bar, qui venait de lui apporter son dernier verre d'alcool, il lui adressa un clin d'oeil en guise de remerciement et attrapa ensuite le verre. Impossible de savoir quel chiffre portait ce verre, il en avait bu tellement. Heureusement pour lui, et pour les autres, il tenait assez bien l'alcool généralement. En un rien de temps, il finit son verre qu'il poussa devant elle, une fois terminé. Sa montre indiquait neuf heures dix. Et merde, à une minute près il aurait put faire un voeu. Uriel prit sa veste de cuir fin noir qu'il avait posé à côté de lui et en sorti un billet de cinq dollars ; il le posa à côté du demi qu'il venait de boire puis enfila l'habit par-dessus son t-shirt des Clash qui lui tombait pile sur les hanches. Mr Vernon s'étira un instant et lentement, plutôt embué par l'alcool, gagnant ainsi quelques brefs centimètres. Cela faisait toute la nuit qu'il était installé ici, avec pour seule compagnie son paquet de Marlboro qu'il avait vidé. Uriel sauta prestement du haut de la chaise et atterrit sur ses Doc qui claquèrent doucement au contact du sol. Il jeta un dernier coup d'oeil au groupe puis se tourna vers Sam et le gratifia une nouvelle fois d'un de ses sourires. Ensuite, il traversa la salle qui c'était bien vidé depuis son arrivée pour terminer par ouvrir la porte en bois et sortir du bar.

Au contact de l'air froid, Uriel frissonna malgré sa veste sur les épaules. Sa tête commençait à lui faire mal. Toujours ce sourire malicieux dessiné sur les lèvres, il se mit en marche rêvant à moitié. il passa devant un grand bâtiment d'une blancheur de neige, avec un portail de bronze étincelant que plusieurs personnes poussèrent pour sortir de la banque de Sydney et pour la seconde fois de cette soirée, une personne - un homme cette fois-ci - le bouscula, le sortant ainsi de sa rêverie. Il chancela et s'appuya contre un mur pour ne pas tomber, déchirant un peu le genou de son slim noir contre la surface râpeuse de celui-là. Sa tête était brûlante et elle lui tournait dangereusement. Avec un peu de chance, il arriverait dans son appartement sain et sauf... S'il ne se trompait pas de rue.

Bien évidemment, il finit par se tromper de rue. Les joies d'une ville nouvelle. Son ventre commençait à se creuser, sa tête continuait de lui tourner et il aperçu de l'autre côté de la rue une église.

« Amasser en été est d'un homme avisé, dormir à la moisson est d'un homme indigne qu'il disait Salomon... Qu'il aille au diable, je vais dormir.», dit-il en partant dans un fou rire.
Il marcha quand même pendant près d'une demi heure saoul avant de se décider à s'arrêter à la vue d'un église alors même qu'il était athéiste. Les joies de l'alcool cette fois. Il traversa la rue sans prendre la peine de vérifier le trafic et pénétra dans l'édifice.