Let's get lost

Parce que la douleur ne peut pas s'arrêter comme ça du jour au lendemain. Parce que je ne suis qu'une pauvre petite humaine qui essaye comme elle peut de survivre ici bas. Parce que l'être humain n'est qu'un vil profiteur qui retourne sa veste à la moindre occasion. Parce que cette ville avait été salutaire pour moi. J'apprenais à vivre. A 30 ans j'apprends à vivre. La danse a été un échappatoire. La danse m'a permis de fermer les yeux sur beaucoup de choses. De les mettre dans un coin de ma tête et ne plus y penser. Seulement, maintenant que je suis à la retraite ... du temps pour penser j'en ai beaucoup plus. Alors je me jette à corps perdu dans ma passion. Enseigner ne m'a pourtant jamais vraiment intéressé. Ni passionné. Je n'ai pas les nerfs pour supporter des gamins braillards, qui n'y comprennent rien à rien. Mais comme on dit, on peut se tromper. Et j'ai ouvert cette école de manière purement égoiste au départ. La danse fait beaucoup trop partie de ma vie pour que j'arrête totalement de m'y consacrer. Et dans les premiers temps, je l'avoue, je l'ai fait pour moi. Et puis je les ai vu, et aimé. Ces petits et petites qui veulent perfectionner leur art. Et je me suis retrouvée. Insouciante. Pleine d'avenir.

La lumière de la lampe de chevet s'allume aussitôt que j’appuie sur l'interrupteur et m'aveugle immédiatement. Je me relève dans mon lit et soupire. Sur les murs des posters portant mon nom, des grands opéras, des ballets que j'ai dansé. VEstige d'une gloire que j'ai laissée de côté pour vivre. Mais je sens quelque chose qui ne va pas et tout de suite mon regard se pose sur l'individu à mes côtés. Matthieu? Arnold? Que sais-je encore? Et puis je ne suis même pas convaincue d'avoir seulement connu son prénom. J'enfile un peignoir en éponge et d'un geste du pied le fait tomber de mon lit. Il n'aurait pas du passer la nuit. Personne ne devait. Il grogna se relevant avec difficulté et mon visage était éteint. Les yeux vides je le regardais Tu as dix minutes pour déguerpir de là.il ne comprenait pas pourtant j'avais été claire. En un geste je me levais pris ses affaires d'une main et le poussais vers la sortie.
Ce manège je sais que la plupart des voisins le connaissait maintenant. Mais à vrai dire, je n'en avais absolument rien à faire.

Après une bonne douche et un petit déjeuner de bananes et de fraises, je passais une simple robe légère blanche et nouais mes cheveux encore humide sur le côté. Petites chaussures aux pieds je partis à la découverte de la nature. Elle pouvait être cruelle mais je l'aimais. Certainement plus que l'être humain en tout cas. Les prés s'étalaient devant moi et j'ouvrais les yeux. Même si je vivais ici depuis longtemps, j'étais tout de même habituée à mon temps aride russe. Et parfois il me manquait un petit peu. Je me laissais tomber doucement dans ce lit de verdure et les cheveux dans les pâquerettes je laissais ma main caresser ce tapis verdoyant et apaisant. Malheureusement ce petit moment privilégié fut rapidement gâché puisque je n'étais plus seule.