Aimes-tu entendre des rumeurs ?

Les rumeurs, je m'en tape. L'habit ne fait pas le moine, point. Evidemment, des langues de putes ça pullule à tous les coins de rue. Les pies prêchent le faux, oublient le vrai. Les rumeurs ? C'est assassin, ça fait bien plus de mal que de bien. Je préfère rester en dehors, ne pas alimenter les gossips, de ce côté, j'ai déjà donné. S'il a fallu que je déménage pour qu'on occulte mon existence, quitte à me mettre à raser les mûrs. Résumé : Les rumeurs, je n'en ai cure.

As-tu peur que l'on découvre tes secrets ?

Mon secret n'est plus un secret. D'une parce que le scandale a éclaté en plein dans ma tronche, de deux : c'est étrange de constater à quel point cela peut constituer une véritable arme contre nous . Mon pater, ma mère, Richard & moi. On garde nos merdes cachées mais pourtant il y a toujours des putains qui viennent déterrer les vieux dossiers. On a tous des cadavres dissimulés dans nos placards.

Tics et manies

Je fume beaucoup, je fume, j'envoie mon monde valser en allumant quelques bédos. Cheminée d'un nouveau genre, je laisse mes ambitions partir en fumée. Loque improvisée, ma vie est une emmerde. De commercial je suis passé à livreur de pizza. Vous voulez savoir ? Lorsque je suis contrarié, j'en allume une. Lorsque je suis stressé, triste , j'en allume une. Lorsque je suis lessivé, j'en roule une. Life is a bitch, la vie baise bien. Gêné, je dessine le contour de mes lèvres dites vous que ça n'arrive pas souvent.

Et ton ou tes secrets ?

Je pensais être à l'abris. " Fils de ", je pensais que mon père s'arrangerait pour éloigner les histoires foireuses de moi. J'ai toujours pensé que si une crasse devait arriver, assurément, mon pater serait à l'origine. Faux, je me suis fourvoyé comme un abrutis fini. La crasse est arrivée à point nommé, du côté de chez ma mère. Ma mère, son frère Richard & moi. Vous voulez que je vous dise, allez donc mater la définition du mot " inceste " dans l'dico. Charmant, n'est-ce pas ? Peut être même que je suis le fruit de cette union hors normes.

L'histoire du personnage

« Saol » son souffle chaud vient trancher ma pommette, son regard planter mes iris, sa voix frapper tout mon être. Le ton grave utilisé me conforte, je vais en prendre plein la gueule. La vie est belle qu’on dit, elle ensorcèle, floue, fait maintes promesses qu’elle ne tient jamais comme tout l’monde, elle est mytho. « Tu sais que je tiens à toi », je déglutis difficilement, j’attends ma correction, la torgnole qui va ma dévisser l’crâne. Je connais cette mine éplorée qu’elle affiche toujours lorsque la vérité vient blesser mon égo, mon honneur, ma fierté, mon cœur. Mon cœur, il flanche.

« Pas autant que tu ne tiens à lui » un sourire étire mes lippes, sadique sourire. Une main vient se perdre dans mes cheveux, boutade affectueuse qui pourtant m’horripile. Ma mère. Je ne veux plus rien entendre d’elle, sa santé m’importe peu, sa situation aussi. Je pars pour ne plus jamais revenir, promesse non tenue, elle me tient. De toute évidence je suis accro, j’aime la douleur, j’en redemande. « Tu l’aurais su, tôt ou tard » tard, man’, mieux vaut tard que jamais, que trop tôt. La nouvelle m’arrache les tympans, les tripes. Je perds mon identité, ma superbe et cette catin de confiance aveugle que je lui accordais. Mon repère éclaté, ma boussole déréglée, je me laisse choir, épave délabrée. Le fauteuil molletonné recueille mon séant, mes mains tremblantes, les larmes acides, vestiges d’une réalité. Qui suis-je vraiment ?

Je cours à en perdre le souffle, ma vision est obstruée par un espoir sous-jacent, celui de croire, je veux croire que tout ceci n’est qu’un mauvais rêve, c-rêve. Je crève et, personne ne me vient en aide. Peut-être que ce ne sont que des « on dit » l’œuvre de vulgaires commères prêtes à tout pour attirer l’attention. Cruelles, perfides, mon attention elles l’ont, toute entière, toute moribonde. Cadavre sorti d’un placard enfoui à vingt mille pieds, c’est un revers que j’essuie allègrement. « Tu n’es pas obligé de quitter la firme » pardon ? Je ne suis pas obligé, crois-tu ? Un rire fait écho, inhumain, l’homme qui se tient debout devant moi, les bras croisés, le port altier « ce ne sont que des rumeurs, infondées, erronées » de la diffamation. Qu’attends-tu donc pour les attaquer ? Déjà à terre, je me laisse emporter par la défaite, la peur.Je pile au-dessus d’une crevasse, j’esquisse quelques pas, en arrière et, je refais ma vie. J’essaye de lui filer des teintes colorées, du rose, du jaune, du violet. Noir & gris bannis. Faux, le passé rattrape toujours alors, qu’est-ce que je fais ? Lâche, j’me barre, je fuis. Puis las, je m’efface, je plie. Roulé en boule, position fœtus dans des draps souillés, accompagné d’illustres pétasse, je refais l’histoire, je défais l’histoire, je m’y fais. Vérité ? Tailladé, je suffoque. J’étouffe sans être sauvé. Parce que là où je vais, les bouées sont prohibées.

Là où je vais, je prie pour que rien ne soit comme là d’où je viens. Une existence lisse où le fond pue et où la forme joue les Chanel n°5. Là d’où je viens, belle expression. Je suis né dans une famille aisée à croire que le pactole tombe du ciel. Je suis né alors que j’aurais aimé éviter cet évènement, incontournable, j’ai poussé mon premier cri. J’vous passe les détails mais, en y repensant, j’suis irrité comme l’derche d’un nouveau-né. Egratigné par la sévérité de mes paters, j’ai quasiment appris à filer droit. Droit, droit devant, droit au but si bien qu’adolescent, j’ai kiffé dévier des maîtres mots : Loyauté, Bienséance, Combattivité. Ma bienséance s’est tirée, ma loyauté m’a été amputée, ma combattivité dans un coma forcé. Ogive nucléaire venue de près, lâchée sans ménagement, sans sentiments sur ma morne vie. Pour le peu que ça a couté, la joie de toute une famille. Du moins, la supposée joie qui existait. Ectoplasmique, j’ai erré. Maintenant : je suis, n’en déplaise à certains. Je donne des mélodies à ma vie. Tarabustant le rythme de mon palpitant, peu à peu, je ressuscite.