J’étais si proche de mon but. Enfin non, je savais que ma tâche, ma mission, n’était pas encore achevée, et que j’aurais du chemin avant de pouvoir rentrer chez moi. Non, pas chez moi dans ma chambre, mais chez moi en Grèce, à Thessalonique. Je commençais à avoir le mal du pays je crois. En Grèce, quand j’en avais marre de la grosse ville, je pouvais aller au bord de la mer, dans des petits villages tranquilles et paisibles, je faisais ça souvent. Et il fallait l’avouer, les filles là-bas craquaient pour les hommes de la ville. Mais ici, en Australie, je ne connaissais rien. C’était la ville, ou bien les plages trop peuplées, ou bien encore le désert, le sable qui s’étend sur des milliers de kilomètres, à n’en plus voir le bout. Je ne savais plus trop ce que je voulais. Rentrer chez moi car tout ça me manquait ? Ou rester en Australie où je bénéficiais de vacances presque payées entièrement ? C’était la grande question. Mais je savais que je devrais rentrer tôt ou tard, mais pas seul.

J’étais dans le même hôtel qu’elle, Caliope Kostas. Dès que j’avais trouvé l’hôtel dans lequel elle logeait, j’avais pris une chambre au même endroit, et avait attendu quelques jours, le temps de m’installer, pour me décider à la revoir. Cette fille qui m’en faisait voir de toutes les couleurs ces derniers temps. Je l’ai cherché en Australie, entre deux soirées pour profiter de ce petit voyage. Mais là, maintenant, elle ne pouvait plus m’échapper. Je ne la connaissais pas, mais moi, j’étais très têtu, et très tenace. Laisser passer une fille entre mes doigts ? Jamais. Si c’était pour qu’en plus mon cher père me laisse définitivement tranquille, je ne louperais cette occasion pour rien au monde ! Je la comprenais cette fille, à sa place j’aurais fuis comme elle. Mais là, elle est un obstacle à mes plans, ce que je n’apprécie vraiment pas.
Je ne savais pas encore ce que je pouvais bien lui dire pour la convaincre de me suivre, quoique je dise elle ne voudra pas revenir. Mais il fallait au moins que je lui parle pour commencer, et je trouverais bien un moyen pour lui faire changer d’avis. Mais à présent, j’étais dans le hall de son hôtel, de mon hôtel également. Je ne savais pas dans quelle chambre elle était, alors le moyen le plus simple était d’aller à l’accueil, où une jeune femme s’occupait des clients. Je m’approchai donc vers elle, avec mon sourire habituel quand je suis près d’une femme élégante, et lui adressa la parole :


« Bonjour mademoiselle. Je voudrais appeler Miss Kostas pour qu’elle descende me rejoindre dans le hall, mais je ne connais pas son numéro de chambre. Je suis sûr que vous pouvez quand même faire ça pour moi.. »

Elle ne pouvait probablement pas ignorer mon sourire, et prit son téléphone. Je m’en allai donc un peu plus loin, sur un des fauteuils du hall, et je n’avais plus qu’à attendre la jeune femme. En espérant qu’elle soit dans sa chambre bien évidemment..

Caliope poussa un soupir. Les bras derrière la tête, les yeux rivés sur le plafond de sa chambre, elle laissa ses pensées vagabonder à leur guise. C’était la première fois depuis longtemps qu’elle pouvait dire qu’elle était heureuse et se sentait bien dans sa peau. Elle ne s’était jamais sentie aussi bien depuis qu’elle avait quitté la demeure familiale et toutes ses obligations. Elle ne s’était jamais sentie aussi libre. Parce que oui, dorénavant, elle pouvait faire ce que bon lui semblait. Papa et Maman n’étaient plus derrière elle, à dicter sa vie comme eux souhaitaient qu’elle soit. Et bon sang, ce que c’était bon. D’être enfin le maître de sa vie. Cela peut sembler banal pour bon nombre d’entre vous. Après tout de nos jours, il n’est pas rare de voir des adolescents qui se détachent très vite de l’autorité parentale, faisant preuve, dès le plus jeune âge, d’une indépendance indéniable. Caliope ne faisait pas partie de ces jeunes, retenue en laisse par les nombreuses attentes de ses géniteurs. Partir de Thessalonique pour se rendre ici, en Australie, fut certainement l’acte le plus rebelle qui lui a été donné de faire durant toute son existence. Et elle ne le regrette pas. Loin de là. Si elle devait le refaire à nouveau, elle ne dirait pas non.

Se levant de son lit douillet, elle traîna les pieds jusqu’à la salle de bain où elle se fit couler un bain. Elle avait toute la matinée pour elle aujourd’hui, ne travaillant que l’après-midi. Et aujourd’hui, elle avait décidé de se faire plaisir. Première étape : se détendre en prenant un bon bain bien chaud. Mettant de la musique, elle entra avec précaution dans le bain. Elle se laissa bien vite aller, son corps enveloppé dans cette couverture de chaleur réconfortante, l’odeur du savon lui chatouillant délicieusement ses narines. Un sourire de bien-être, Caliope ferma les yeux. Se détendre. Ne penser à rien. Juste profiter de ce calme reposant. Ce fut la sonnerie du téléphone de la chambre qui la sortit avec brutalité de son cocon de sérénité. Enroulant en quatrième vitesse un essuie autour de sa poitrine, elle se dépêcha pour décrocher. « Oui. » … « Un visiteur ? Hum… Ok, dites-lui que je descends. » Affichant une mine déconcertée, la Grecque reposa le combiné. Un visiteur ? Bien malgré elle, le signal d’alarme se mit en route dans son esprit. Elle venait d’arriver à Greatwist et les quelques hommes avec qui elle s’était liée d’amitié ne se seraient jamais déplacés jusqu’à l’hôtel. Oui, ce mystérieux visiteur venait d’attiser sa curiosité. Enfilant au plus vite une simple chemise et un jeans, elle sortit de sa chambre et entra dans l’ascenseur, sans se douter de la surprise qui l’attendait.

Les portes s’ouvrirent et du regard chercha après l’homme qui l’attendait. Elle fit quelques pas avant de s’arrêter net. Cette silhouette. Cette manière de se tenir. Ces cheveux bruns mi longs. Cette peau hâlée qui lui rappelait les siens. « C’est pas vrai. » ne put-elle s’empêcher de murmurer. Comment avait-il fait pour la retrouver ? Pourquoi Ulysse avait-il bougé ces fesses jusqu’ici ? Enfin non. La question ne se posait même pas tellement la question était évidente. Il venait pour la ramener. Déterminée à ne pas se laisser marcher sur les pieds, elle prit de l’assurance, afficha à une mine impassible et s’avança pour se poster devant lui. Rien que le voir devant elle suffisait à réanimer l’antipathie qu’elle éprouvait envers lui. Rester indifférente. Elle croisa les bras sur sa poitrine et regarda de haut le jeune homme assis dans le fauteuil. « Je sais ce que tu viens faire ici. Mais je suis au regret de t’annoncer que tes petits plans sont voués à l’échec. Je ne bougerai pas d’ici. » Elle sourit, satisfaite. C’était pas sa petite gueule d’ange qui allait la faire céder. Elle était la première à affirmer que la vie était plus simple ici, ce n’était pas pour retourner chez elle. Dans sa prison. « Merci d’avoir fait le déplacement, c’est gentil, mais tu peux te casser maintenant. » Sans attendre une réponse de sa part, elle tourna les talons. Visiblement même à des kilomètres de la Grèce, on arrivait encore à lui pourrir la vie.

J’avais l’impression d’avoir attendu une éternité. Les gens venaient et allaient dans le hall d’entrée, des gens principalement riches. L’hôtel, il fallait l’avouer, n’était pas l’un des moins luxueux de la ville, au contraire. D’ailleurs, je me demandais comment Caliope pouvait se permettre d’être dans un tel endroit. Vu les temps difficiles qu’elle et sa famille doivent subir, avec la faillite de l’entreprise familiale, en ajoutant à cela le fait que son père ne devait probablement pas la soutenir financièrement vu qu’elle a refusé les fiançailles qui devait le sauver. Peut-être qu’il y avait de petites chambres ici, ce qui m’étonne également. En tout cas, moi, j’avais la chance, l’opportunité, d’avoir ces vacances payées par mon cher père, ce qui me permettait d’avoir une chambre très confortable, juste assez grande pour moi et mes envies diverses et variées. Car bien sûr, j’avais un service en chambre exemplaire, on pouvait satisfaire beaucoup de mes envies qui pouvaient me prendre à un moment de la journée.

Je pensais à tout cela, mais je me rendais également compte que le temps était long. Est-ce qu’elle allait au moins arriver ? J’ose espérer que vu le prix de la chambre que j’occupe, si jamais ils avaient appelé la chambre de la jeune Kostas et qu’elle n’était pas là, qu’ils auraient eu l’obligeance de me prévenir, moi qui attend seul dans ce hall où s’enchaîne des couples, des familles, mais très peu de personnes seules. Si, quelques hommes d’affaires, peut-être même certains qui vont rejoindre leur maîtresse dans la chambre, qui sait ? Mais est-ce que beaucoup attendent leur future fiancée qui ne veut pas d’eux ? Je suis probablement le seul dans ce cas, dans cette situation très spéciale. Et circonstances tellement spéciales, que j’étais sûr qu’elle ne s’attendrait pas à me voir. Elle ne pouvait même pas m’échapper, car j’étais sûr qu’elle allait au moins descendre.
Et je la vis arriver. Je ne l’avais vu qu’une seule fois, mais je ne pouvais pas ne pas la reconnaître. Son visage s’était imprimé dans ma mémoire, surtout qu’il fallait l’avouer, elle était plutôt jolie. Mais je n’étais pas là pour exaucer ses désirs, pour faire ce qu’elle voulait. Je l’ai vu son visage en me voyant, et c’est ça qui me faisait en même temps plaisir et qui m’énervait. Car son visage, et les paroles qui suivirent, me montrèrent qu’elle ne voudra pas me suivre si facilement, ce qui était prévisible bien évidemment. Mais cela me lançait un grand défi, m’encourageait, et j’étais motivé à la faire céder. Et elle m’avait à peine adressé deux phrases qu’elle tournait déjà les talons.


« Non mais attends, tu vas pas déjà fuir, encore une fois ? On a à peine discuté ! »

Je l’avais crié dans le hall, pendant que je marchai à vive allure pour la rattraper. Je marchais vite quand je le voulais, et j’avais réussi à arriver à sa hauteur. Il fallait d’abord que je la retienne un peu, car il fallait que je lui parle, autant que je le pouvais. Peut-être pourrais-je au bout d’un moment que j’étais un fiancé idéal, mais j’avais probablement trop d’espoirs.


« Est-ce que tu as essayé de me parler ? Non. Même pas un peu. Alors posons-nous quelque part pour discuter un peu, qu’en penses-tu ? »

On peut penser que certaines techniques peuvent paraître débiles, mais la moindre petite chose peut faire de l’effet. Et pendant que je me passais la main dans les cheveux, mon visage qui était encore fermé vu sa réaction laissa passer un léger sourire, limite charmeur. De si près, elle était vraiment jolie. Je pensais déjà à la draguer.. Etrange non ?

Depuis sa plus tendre enfance, Caliope appréhende les surprises. Ses parents ne semblaient pas vraiment se rendre compte que le concept même l’angoissait plus qu’autre chose. Elle n’aimait pas être le centre d’attention, les fêtes surprises la plongeant donc dans un certain embarras. De plus, la jeune fille ne savait pas quelle attitude adopter. Les surprises ne lui plaisant, elle affichait, bien trop souvent, une mine ennuyée plutôt que ravie. Et aujourd’hui, cette surprise était le comble de toutes. Ulysse, ici, en Australie ?! Pour venir la rechercher alors qu’elle n’attendait qu’une seule chose, qu’on la laisse tranquille une bonne fois pour toute. Il faut croire que ce mot ne faisait pas partie de leur vocabulaire. « Non mais attends, tu vas pas déjà fuir, encore une fois ? On a à peine discuté ! » Callie fulminait. Le son de sa voix l’exaspérait au plus haut point. Elle tenta un regard à droite et à gauche. A son plus grand désarroi, la scène commençait à attirer des curieux. Greatwist était peut-être, en apparence, une ville paisible, au fond, elle était le lieu de naissance même de rumeurs. Certaines personnes s’en donnaient à cœur joie. Un journal y était même consacré. Pitoyable. A cette pensée, Caliope ralentit le pas, espérant ne plus attirer l’attention des inconnus.

Ulysse arriva très vite à ses côtés. Elle le fusilla du regard. D’ordinaire, Callie était quelqu’un de très sociable et souriante. Une vraie crème. Elle pouvait être en compagnie des personnes les plus exécrables, elle mordait sur sa chique, affichant son éternel sourire avenant. Et pourtant, avec ce gars, elle ne pouvait s’empêcher de se montrer imbuvable. Pendant un instant, elle se demanda si, en dehors de toute cette situation et cet arrangement, elle aurait pu apprécier Ulysse. Il était clair que c’était un bel homme. Et qui le savait pertinemment, jouant de ses charmes auprès de la gente féminine. Elle aurait pu craquer elle aussi, va savoir. Après, à part le physique elle ne voyait rien d’autre qui pourrait l’attirer. A dire vrai, elle ne le connaissait pas réellement. Elle, elle le voyait comme un fils à papa, qui ne fait que profiter de la richesse de son paternel. Un grand enfant, immature et inconscient. Enfin du moins, c’était l’image qu’elle s’était forgée de lui après toutes les rumeurs dont elle eut vent à son sujet. Elle pouvait très bien se tromper. Roh et puis qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire qu’elle se trompe ou non sur son compte ? C’était son « fiancé » qu’elle ne pouvait pas sentir et qui plus est, comptait la ramener en Grèce, auprès des siens, où elle deviendrait officiellement Mme Vasilis. Non, elle s’en fichait de le connaître ou non. Il était son ennemi numéro un, point barre. « Est-ce que tu as essayé de me parler ? Non. Même pas un peu. Alors posons-nous quelque part pour discuter un peu, qu’en penses-tu ? » Caliope éluda la question. Tout en haussant un sourcil, elle se dit que c’était voué à l’échec. Elle était têtue et il aurait beau usé de ses charmes, elle ne craquerait pas. Elle perdrait bien trop en retournant chez elle. « Si ça peut te faire plaisir… Mais c’est perdu d’avance Ulysse, je tiens à te prévenir. » Elle posa son regard sur son visage et y vit un léger sourire. Charmeur. Elle fronça les sourcils. Visiblement, il comptait faire son petit numéro de séducteur. Elle poussa un soupir, exaspérée. « Et enlève-moi tout de suite ce sourire de ton visage, ça ne fonctionne pas avec moi. » Ouais, ça ne fonctionne pas… Vaste blague.

D’un geste de la tête, elle intima à le suivre. Rester dans le hall n’était pas une bonne idée. Lieu de passage, l’agitation y était à son apogée. De plus, elle n’avait pas envie d’être épiée par de petits curieux. Ils se rendirent donc au bar de l’hôtel. Sans un mot, elle s’installa à une table. Tant de questions se bousculaient dans son esprit, celui-ci submergé par la situation. « Alors Sherlock, comment t’as fait pour me retrouver ? » finit-elle par demander. Elle posa son dos contre le dossier de sa chaise et attendit, avec impatience, la réponse de son « fiancé ».

Je savais au fond de moi qu’elle ne pouvait pas encore s’en aller. Car elle savait elle aussi pertinemment que je n’abandonnerai pas la partie. Mais connaissait-elle les raisons réelles de cette course poursuite dans l’Australie ? Non, sûrement pas. Car à notre rencontre, j’avais été si ferme, si convaincant dans mon rôle de fils fier de sa famille, fier de sa richesse, portant le nom de Vasilis le torse bombé et la tête relevée. J’étais un bon acteur. J’avais fait deux ans de théâtre dans ma jeunesse, peut-être que c’est ce qui m’a donné ce don de menteur professionnel. Je pouvais être très persuasif dans ce que je disais, et ça, par contre, j’en étais réellement fier. Pas comme ce nom que je me traînais à longueur de journée, que je ne pouvais pas renier, certes. Mais au moins, ici, en Australie, personne ne connaissait réellement le pouvoir de ma famille, qui avait de la place surtout en Grèce. Certes, si je parlais avec des avocats, des chefs d’entreprises, ils connaîtraient sûrement. Mais sinon, rien ne me pèse sur le dos.

« Si ça peut te faire plaisir… Mais c’est perdu d’avance Ulysse, je tiens à te prévenir. » Elle a beau dire ça, mais il ne faut jamais partir si sûr de soi. Enfin, oui, moi je l’étais, mais j’avais très souvent raison dans ce que je faisais. Je devais me faire passer pour quelqu’un de pas trop mauvais dans le fond. Pas mauvais, mais toujours avec des valeurs familiales fortes, une famille soudée en Grèce. Balivernes, mais ça allait fonctionner. Je ne dis rien, mais esquissa un sourire sur mes lèvres, un de plus, qu’elle remarqua bien évidemment. « Et enlève-moi tout de suite ce sourire de ton visage, ça ne fonctionne pas avec moi. » Je le retirai immédiatement bien sûr, pour ne pas la contrarier. Mais j’étais prêt à le ressortir à la moindre occasion. Beaucoup de filles disaient ça, d’arrêter ave mes airs charmeurs. Mais au bout d’un moment, à force d’être aux petits soins, et de paraître à leurs yeux de plus en plus beau, elles cédaient toutes. Et Caliope était au fond, bien qu’elle essayait de se convaincre du contraire, une fille, avec les mêmes pensées que les autres. Enfin, elle était très belle, il fallait l’avouer. Une raison de plus pour la convaincre de rentrer en Grèce.

Alors que nous nous dirigions vers le bar de l’hôtel, un endroit calme à cette heure de la journée pour discuter, mais moins calme que ma chambre d’hôtel bien évidemment, où je comptais la ramener un jour ou l’autre, j’appela d’un geste de la main le serveur, qui m’en fit un autre pour me faire comprendre qu’il était à nous dans une minute. « Alors Sherlock, comment t’as fait pour me retrouver ? » Elle me demanda ça avec un ton si naturel que ça m’en fit sortir un petit rire. Pas moqueur, loin de là, mais cela me montra qu’elle allait quand même me parler, elle qui voulait m’éviter. « Je n’ai pas de talents de magie. J’ai juste quelques contacts qui m’ont dit où tu avais fait ton dernier achat, et c’était dans cette ville, alors je suis venu. » Je me suis retenu d’ajouter que j’étais venu dès que je pouvais en Australie, même quand je ne savais pas où elle était, pour m’éloigner de mon père. Je n’étais pas obligé de tout lui dire non plus, mon but n’étais pas de dévoiler toutes mes pensées. Si j’avais besoin de ça, j’irais chez un psychologue. « Et toi, pourquoi avoir choisi l’Australie ? Tu es passionnée de kangourous ? » J’ajoutai à cette phrase un petit rire. Je voulais bien sûr plaisanter, et non me moquer, ou utiliser un ton ironique, loin de là. Mais j’espérai surtout qu’elle ne prenne pas une de mes phrases futures d’une mauvaise façon et qu’elle se vexe. Il fallait que je la mette à l’aise avec moi, qu’elle soit un peu plus en confiance, et qu’elle n’ait pas sur moi un regard méfiant. Mais autre chose pourrait la détendre un peu : un verre. Le serveur s’approcha de nous, et donc je commençai à parler « Je prendrai une bière, et je laisse la belle demoiselle choisir ce qu’elle veut, et mettez tout ce que l’on prendra à partir de maintenant sur mon compte » . Peut-être était-ce un message qui voulait dire que je voulais passer du temps avec elle. C’est ce que j’espérais, en tout cas, car je la trouvai de plus en plus belle au fil des secondes.

« Je n’ai pas de talents de magie. J’ai juste quelques contacts qui m’ont dit où tu avais fait ton dernier achat, et c’était dans cette ville, alors je suis venu. » Caliope hocha la tête. C’est bizarre, voire même dérangeant, cette impression d’avoir été traquée. L’idée que même à des kilomètres de sa terre natale on pourrait encore la retrouver ne l’enchante guère. Il faut dire, elle s’y attendait. Mais elle ne pensait jamais qu’ils en viendraient à utiliser ces techniques tout droites sorties d’un film d’espionnage. A dire vrai, jamais elle n’avait songé au fait qu’on puisse venir la chercher ici, jusqu’en Australie. Jamais elle n’aurait pensé qu’Ulysse fasse le déplacement pour venir à elle. Elle espérait tout simplement que leurs pères comprennent par cette fuite que non, elle ne se plierait pas à leurs exigences et qu’il faudrait trouver un autre moyen pour sauver l’entreprise des Kostas. En songeant à son père, elle en put s’empêcher sentir poindre en elle une légère vague de culpabilité. Il avait besoin d’elle, extrêmement besoin d’elle et elle lui avait tourné le dos. Sa propre fille. Elle voulait même voire l’image de son père, ni son regard empreint de toute la déception qu’il éprouve envers elle. Ce serait trop dur. « J’aurais dû songer à changer d’identité en quittant le pays. » répondit-elle, laissant sortir un léger rire de sa bouche. Rire qui s’évanouit presqu’aussitôt. Depuis quand sympathisait-on avec l’ennemi ?

« Et toi, pourquoi avoir choisi l’Australie ? Tu es passionnée de kangourous ? » Et il rit. Callie le détailla du regard. Savait-il seulement ce que ça représentait pour elle ? Savait-il qu’en prononçant cette simple question, il entrait sa vergogne dans son passé ? Non, certainement pas. Il ne connaissait pas Lukas et même si ça avait été le cas, il n’aurait jamais su ce qui les liait, tous les deux. Caliope éluda la question. Jamais elle ne lui avouerait les raisons de son choix. Jamais elle ne lui parlerait de Lukas. Jamais elle ne lui parlerait d’elle. « Non de koalas. Je veux faire un élevage. » répondit-elle ironiquement. Elle regretta de suite son ton. Après tout, depuis le début de leur rencontre, Ulysse était bien loin de se comporter comme il l’avait fait lorsqu’il s’était vu pour la première fois. Aujourd’hui, il tentait vraiment de sympathiser avec elle. Ou de l’amadouer. Va savoir. Callie restera sur ses gardes.

« Je prendrai une bière, et je laisse la belle demoiselle choisir ce qu’elle veut, et mettez tout ce que l’on prendra à partir de maintenant sur mon compte. » Callie offrit son plus beau sourire au serveur tout en commandant un coca zero. Dès que l’homme fut parti, elle posa ses yeux sombres sur le beau Grec. Haussant en sourcil, elle secoua légèrement la tête. « Je ne te croyais pas aussi généreux. A moins que ce ne soit un moyen de me faire tomber sous ton charme. J’hésite encore. » Elle sourit, la moquerie marquant chacun de ses traits. Elle n’allait pas se laisser berner aussi facilement. Elle le voyait bien venir avec ses grands airs de séducteur à faire tomber toutes les filles comme des mouches. Il pouvait se montrer aussi gentil et charmant qu’il le voulait, elle savait très bien ce qui se cachait derrière toute cette comédie : l’envie de la ramener. Et ça elle ne pouvait s’y résoudre. « Pourquoi t’es venu ici ? » Alors qu’il s’apprêtait à répondre, elle le coupa de suite. « Je sais, tu vas me dire qu’on doit rentrer tous les deux pour pouvoir satisfaire nos parents en se mariant. Mais franchement, qu’est-ce que t’y gagnes toi dans ce mariage ? » Elle laissa la question en suspend quelques secondes. « Ca te fait vraiment rien toi d’être obligé de te marier avec une inconnue ? » Le serveur interrompit leur conversation. Il posa une bière devant Ulysse et un Coca devant Callie. Celle-ci s’empressa d’en boire une gorgée.

Je pouvais être un professionnel de l’espionnage. Il fallait dire que je n’étais pas à mon premier essai. Il m’est arrivé plus d’une fois de rechercher quelques informations sur des personnes dans mes connaissances. Oui, je suis le genre de personne qui aime bien faire du chantage affectif, trouver un petit secret, ou un petit rien qui ferait que la personne ne peut rien me refuser. Avec des filles, des garçons, les deux sexes ont subi mes caprices. Et je ne suis pas prêt de finir ce genre de pratique, c’est tellement amusant ! Mais Caliope, ce n’était pas pour la piéger. Enfin, si, un peu, car à cause de cet espionnage j’ai gagné du temps, et j’ai pu la retrouver relativement rapidement. Comme quoi, pour disparaître dan la nature, il faut vivre à l’ancienne, et ne pas utiliser de technologie. Ou songer à son idée à elle. « J’aurais dû songer à changer d’identité en quittant le pays. » C’est une possibilité. Mais même là, j’aurais été trop fort pour elle. On ne peut rien me cacher, je suis une vraie fouine, qui me faufile partout, et surtout qui a l’argent de papa pour obtenir tous les détectives que je veux. Un dans chaque pays, pas mal non comme future idée au cas où elle change réellement d’identité !

Elle était très belle, certes. Mais à certains moments, elle m’exaspérait. « Non de koalas. Je veux faire un élevage. » J’avais l’impression dans cette phrase qu’elle se moquait réellement de moi. Peut-être utilisait-elle un ton pour rigoler, mais je ne sais pas, quelque chose me dérangeait dans sa façon de le dire. Cela se sentait qu’elle ne voulait pas de moi ici. M’éloigner d’elle le plus vite possible, c’était son objectif à la base. Mais la voilà maintenant en train de me parler. Etrange la façon dont tourne la situation. Mais la prise de commande me dit deux secondes changer les idées. Et sa réaction également lorsque je proposai de tout payer. « Je ne te croyais pas aussi généreux. A moins que ce ne soit un moyen de me faire tomber sous ton charme. J’hésite encore. ». Cela, par contre, me fit rigoler légèrement. J’avais l’impression de retrouver mes démons d’avant. J’étais sympathique pendant deux minutes, et maintenant plus rien. « J’ai pas besoin de t’amadouer avec de l’argent pour que tu tombes sous mon charme, crois-moi ! » Elle pouvait le prendre sur le ton qu’elle voulait, je ne savais même pas si je voulais être amusant ou hautain. Mais quoiqu’il en soit, qu’elle me trouve affectueux ou méprisant, je savais qu’il arriverait le moment où elle me poserait toutes les questions qu’elle voulait.

Pourquoi je la suivais ? Pourquoi je voulais absolument me marier avec elle. Il était évident que ce n’était pas parce que je l’aimais, elle n’avait même pas à se poser la question. Je ne la connaissais pas, et elle avait probablement dû déjà cerner mon caractère, je n’étais pas capable de cela. Je ne savais pas trop quoi dire. Non, je ne pouvais pas lui dire la vérité. Certes, elle comprendrait, elle aurait de la compassion, mais je ne voulais pas de tout ça. Qui sait, si mon père apprenait que je lui avais dit la vérité.. Et puis, j’avais ma fierté, j’y tenais. Je n’avais plus qu’à être comme mon père me l’avait demandé, hautain et fier, tout en laissant du doute. « J’ai mes raisons pour tout ça. Je n’ai pas à te raconter tout ça, à te déballer ma vie. » C’est à ce moment que je me rendis compte que j’étais peut-être un peu dur. Elle ne devait pas être bien par rapport à cette situation. Son père était dans une situation très délicate, et pour ne pas être emprisonnée, elle avait fui. Ce qui était compréhensible. « Ecoute, tout ce que je pense, c’est qu’on gagne tous les deux dans cette situation. Tu sauves ton père, et moi j’ai des avantages également. Et puis, je suis fier de pouvoir faire rentrer une personne comme toi dans ma famille. » Balivernes. Elle aurait mieux fait de partir en courant plutôt que de devenir une Vasilis !